La Brèche

Votre création, FEU, est au départ une commande de la SACD – Société des Auteurs et Compositeurs Dramatiques et du Festival d’Avignon. Quelle en était la teneur ?
Fanny Alvarez : La commande émanait en effet du Festival d’Avignon et de la SACD, à l’été 2023, dans le cadre de Vive le sujet ! – Tentatives. Toutes les performances se passaient dans la cour du Lycée Saint-Joseph où la forte chaleur estivale m’avait amenée à penser aux concepts de feu et de surchauffe avec, en réponse, l’idée d’une énergie intérieure très intense, très positive et débordante de vitalité. Pour accompagner cette énergie, j’avais également une intuition de sons qui résonneraient dans cette cour fermée. Le feu est ambivalent : il réchauffe et il brûle, il est festif et menaçant, il rassemble et sépare… La contrainte imposée était de mêler, dans une petite forme de trente minutes, des artistes de diverses disciplines.

Et vous avez choisi de vous entourer de musicien·nes.
FA : J’ai été amenée à rencontrer Xavier Tabard, batteur de musique punk noise. Il est très grand, et sa manière de jouer de la batterie est vraiment très physique. On m’avait aussi présenté la musicienne polyvalente Morgane Carnet, saxophoniste, clarinettiste, batteuse… Quand elle joue, vraiment ancrée dans le sol, elle est le pilier rythmique et musical de la pièce. Nous avions eu vingt jours de travail avant de jouer au Festival d’Avignon. C’était très rapide : un élan acrobatique et musical. Je ne dissocie pas musique et bruit : j’aime tous les sons comme musique. Je souhaite transmettre au public cette matière organique peu commune, inspirée de modes musicaux variés (noise, John Cage, rituels coréens, improvisation libre…), entre transe et performance exutoire.

Et ce qui, pour le public, semble totalement improvisé est en fait très écrit…
FA : L’idée est de déconstruire pour mieux reconstruire, sans figer les choses. À La Brèche, nous travaillerons les aspects acrobatiques avec un cordiste qui nous aidera à investir l’espace dans sa hauteur. Il faut que cela reste vivant et que chaque geste, chaque pulsion, soit guidés par quelque chose de très nécessaire. La tranquillité est impossible, sinon la pièce n’a pas de sens. Paradoxalement, le silence aura toute son importance. Si on fait tout cela, c’est pour mieux savourer la perception très spéciale du silence : il est différent lorsqu’il survient après beaucoup de bruit. Il sera plus palpable dans la version salle, et c’est ce qui m’intéresse. Il est même le point phare de la pièce : j’aimerais que le public ressorte avec le sentiment d’avoir vécu une expérience.