La Brèche

Votre nouveau projet est le résultat d’une commande. Quelle en est la teneur ?

Jeanne Mordoj : Cathy Bouvard, des Ateliers Médicis à Clichy-sous-Bois travaille souvent en partenariat avec la Poudrerie-Théâtre des Habitants, à Sevran. Elle m’a proposé de faire une création pour ce théâtre, connu pour confier chaque année à des compagnies des pièces à jouer en appartement. S’ils s’adressent d’habitude à des troupes de théâtre, c’est la première fois qu’ils font une commande vers une compagnie de cirque. C’est un beau challenge au niveau de l’adaptabilité, et cela correspond bien aux circassiens que de s’ajuster à un espace donné, de respecter des contraintes très fortes. Et elles sont multiples : de petites jauges, un thème à suivre (l’interdépendance), et être connecté avec les habitants de Sevran. La Poudrerie nous demande d’ailleurs de travailler en amont avec eux.

Dans cette optique, qu’allez-vous proposer aux Sevranais ?

JM : Je vais leur proposer, au printemps 2025, de travailler sur les rêves, pas ceux de la nuit, mais ceux que l’on a tous, nos désirs. Je souhaite également mélanger les générations à partir de l’adolescence, parce que je trouve que l’on ne se parle pas assez. À ce jour, j’ai rencontré les deux interprètes : Aimé Rauzier, acrobate, et Jaime Monfort Miralles, clown. J’avais déjà entamé un compagnonnage avec Aimé dans Foraine. J’aime beaucoup l’acrobatie : sa matière m’inspire. Et puis Aimé est déjà habitué à travailler dans de petits espaces. Je souhaitais un duo et en voyant Jaime dans un spectacle où j’avais remarqué sa belle présence, je l’ai invité à nous rejoindre. Il connaissait déjà un peu Aimé et il se trouve qu’ils ont suivi la même formation à l’Académie Fratellini.

Quel pourrait-être le propos de ce duo complice ?

JM : C’est une histoire de relation, d’interdépendance, et de tout ce que l’on peut vivre à deux. Nous partirons de leurs rêves à eux, jeunes circassiens, et de ceux que les habitants nous auront relatés. L’univers qui caractérise mes spectacles sera présent, je pense, par l’idée de la liberté, la transgression, l’humour, sans doute par une voix chantée et bien sûr par la proximité, qui permettra de ressentir des sensations fortes. Je travaille souvent sur le forain, l’esbrouffe, le vrai, le faux et le danger, et tout cela sera convoqué dans ma recherche avec les interprètes. Au plan matériel, nous devons trouver les bons objets, légers et montables rapidement. Mais ce minimalisme et la contrainte de jouer dans des lieux différents sont finalement depuis toujours liés au cirque.