La Brèche

Votre prochain spectacle, L’Enjeu, part d’une interrogation sur le moment où les adultes arrêtent de jouer…
Jimmy Lozano : Lors d’un entraînement, il y a deux ans, nous avions évoqué les jeux de nos enfances et ce dans nos cultures respectives, franco-brésilienne pour Joana et colombienne pour moi. Nous avons constaté que certains se ressemblaient jusque dans leur nom, comme le jeu du loup et de la chaise musicale, et qu’ils avaient plus ou moins les mêmes règles. Nous nous sommes particulièrement penchés sur les jeux physiques et de plein air ; et nous nous sommes demandé jusqu’à quel point ces mêmes jeux nous avaient conditionnés, socialement, ce qu’ils nous avaient appris, et ce, à quoi ils nous avaient préparés. Jouer confronte l’enfant à la compétition, la défaite et la victoire, aux notions de proie et de prédateur, de triche et de limites à ne pas franchir. C’est un outil d’apprentissage très puissant.

L’Enjeu est donc aussi sociétal. Vous êtes-vous basés sur vos seuls souvenirs ?
JL : Nous avons souhaité mener des actions culturelles pour voir ce que le jeu représente encore aujourd’hui pour des personnes âgées, mais aussi pour des collégiens. Constat : les nouvelles technologies – les jeux vidéo – remplacent souvent les jeux de plein air, mais ce n’est pas systématique. D’où notre questionnement : qu’est-ce qui fait qu’on arrête de jouer ? Les jeux changent-ils en grandissant ? Or même avec de nouvelles règles, la société nous pousse à être le plus fort, et à mettre le plus faible à l’écart : à quel prix se joue la victoire ? Il y a là un enjeu social, d’où le titre du spectacle. Devenus adultes vivant dans une société capitaliste, nous évoluons finalement tous dans un grand Monopoly où il faut amasser des biens, et éviter la prison !

Comment allez-vous transposer au plateau toutes ces notions liées aux jeux d’enfants ?
JL : L’Enjeu est un spectacle pluridisciplinaire. Outre nos disciplines respectives, les sangles aériennes pour Joana et l’acrobatie au sol et les équilibres pour moi, nous allons nous appuyer sur la chorégraphie pour retranscrire toutes nos sensations. Nous souhaitons donc danser, à partir de règles très précises… que nous ne nous empêcherons pas de transgresser ! Nous évoluerons dans un décor inspiré de la classe moyenne française : fauteuil, table basse, tapis, luminaire. Côté son, une radio diffusera les musiques et chansons de mon enfance colombienne. Et nous porterons des costumes de travail, représentatifs d’une société à la poursuite d’une productivité effrénée. Société qui, peut-être, dans sa mémoire collective, garde en tête les jeux d’enfants…